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Borgna (saggi)_3  25/04/18  11:47  Pagina 27






                   La carte et le calamus. Stratégies et mobilités professionnelles des notaires à Bergame  27


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                   pour l’histoire des sociétés urbaines » donne à étudier, en ce sens, des
                   exemples tout à fait singuliers. Leur mobilité était quotidienne, réfléchie
                   et  planifiée.  Ils  manipulaient  également  avec  aisance  les  échelles
                   géographiques,  administratives  et  juridiques  dans  le  cadre  de  leur
                   activité. Les notaires multipliaient et superposaient ainsi les «espaces
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                   vécus »:  alors  que  certains  limitaient  leurs  déplacements  à  la  seule
                   ville  de  Bergame,  d’autres  s’aventuraient  parfois  dans  les  espaces
                   ruraux du distretto, voire même instrumentaient leurs affaires dans la
                   capitale ou au-delà des limites territoriales de l’État vénitien.
                      La problématique de la mobilité induit également celles des réseaux.
                   En effet, considérant le fait que les notaires se déplaçaient dans des
                   territoires  très  divers  et  variés,  il  est  nécessaire  d’examiner  les  liens
                   sociaux et familiaux qu’ils entretenaient dans le cadre de leur pratique
                   professionnelle. Ces relations sociales étaient conçues et perçues comme
                   de  véritables  stratégies,  élaborées  dans  l’intérêt  des  individus  mais
                   aussi des praticiens. Aussi l’organisation de mobilités et la manipulation
                   des  échelles  géographiques  ne  peuvent-elles  se  concevoir  que  sous
                   l’angle  de  la  réticularité  et  de  l’organisation  de  réseaux  stratégiques,
                   destinées à servir des intérêts aussi bien personnels qu’intersubjectifs.
                      En outre, les praticiens du droit organisaient et participaient à de
                   nombreux systèmes de sociabilités professionnelles. Ils se rassemblaient
                   par  familles  et/ou  par  factions  au  sein  d’institutions  urbaines  ou
                   rurales,  au  sein  desquelles  ils  tissaient  des  liens  sociaux  plus  ou
                   moins ténus, ou tout simplement dans la société. Les notaires étaient
                   également insérés dans les scuole, autrement dit dans des confréries
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                   laïques ou religieuses situées aux quatre coins de l’État vénitien . Ils

                      5  O. Faron, S. Levati, Nouvelles approches de la documentation notariale et histoire
                                         e
                   urbaine. Le cas italien (XVII -XIX siècle), «Mélanges de l’École française de Rome, Italie
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                   et Méditerranée», 112 (1), 2000, p. 10.
                      6  La notion d’ «espace vécu» a été définie par le géographe Armand Frémont, lequel
                   considère la région comme «une réalité vécue, c’est-à-dire perçue, ressentie, chargée de
                   valeur par les hommes». Voir A. Frémont, Recherches sur l’espace vécu, «Espace géogra-
                   phique», 3 (3), 1974, p. 231. Voir également A. Frémont, La région, espace vécu, Flam-
                   marion, Paris, 2009.
                      7  À ce sujet, voir B. Pullan, Natura e carattere delle scuole, «Le scuole di Venezia»,
                   Milan, Terisio Pignatti, 1981. En ce qui concerne les premières confréries bergamasques
                   médiévales, voir L. K. Little, Liberta, carita, fraternita : confraternite laiche a Bergamo
                   nell’eta del Comune, Bergame, Lubrina, 1988.
                      8  À Venise et en Terre Ferme vénitienne, une scuola était une institution associative,
                   une confraternité qui se plaçait sous le patronage d’un saint et qui accueillait aussi bien
                   des religieux que des laïcs. Elle fournissait à ses membres, lesquels étaient pour la plupart
                   des notables locaux, une assistance économique et matérielle. Voir R. Borgna, Le notaire
                   et la pratique notariale en Terre Ferme vénitienne. Le cas de Sarnico entre 1694 et 1695,
                   Aix-en-Provence-Milan, mémoire de Master 2 Recherche, sous la direction de L. Faggion
                   (Aix-Marseille Université) et de S. Levati (Università degli studi di Milano), 2012, p. 80n.


                   n.42                            Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018
                                                           ISSN 1824-3010 (stampa)  ISSN 1828-230X (online)
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