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30 Romain Borgna
Pour une approche géographique multiscalaire des mobilités
professionnelles des notaires bergamasques
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Entre le XVI et le XVII siècles, la manipulation des échelles
géographiques était au fondement de l’activité professionnelle des
notaires bergamasques. En d’autres termes, les praticiens considéraient
leur mobilité comme une véritable stratégie. Si l’échelle locale, aussi
bien urbaine que rurale, leur offrait un vivier de clients intéressant,
ils étaient parfois obligés d’étendre leur activité au-delà des frontières
physiques et mentales, au-delà de leurs espaces vécus.
Du campanilisme
Marqué par un profond sentiment campaniliste, le «notaire local»
semblait être profondément attaché à son espace vécu direct, et il
témoignait en cela d’une préférence claire et établie pour «son»
territoire. Il ne s’aventurait guère au-delà des frontières de la ville de
Bergame ou de celles de son village. Ses rares déplacements ne se
faisaient que par obligation et ils s’organisaient, dans le contado,
dans un rayon d’action limité à dix kilomètres maximum environ, soit
peu ou prou le village voisin, voire le suivant. Dans le cadre de
l’espace urbain, le «notaire local» était circonscrit à son étude, voire à
son quartier ou à sa rue. Les praticiens de la famille Terzi, par
exemple, vivaient pour l’essentiel dans un rayon de trois cents mètres
autour du palais familial, situé au cœur de la cité bergamasque .
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Parfois, le notaire local franchissait les murailles de la città alta afin
d’instrumenter des actes dans les villages « périurbains » limitrophes
à Bergame, mais rarement au-delà. Le praticien pouvait en effet avoir
des réticences à quitter son étude, car il aurait été susceptible de
recevoir d’autres clients en son absence. Chaque déplacement, même
court, l’éloignait de son studio. Partir instrumentare et rogare dans un
village voisin situé à quelques kilomètres seulement l’obligeait à
quitter son étude pour une journée entière. Néanmoins, si les mobilités
des notaires étaient limitées par la fixation légale de son activité
professionnelle dans un lieu géographique précis, celles des clients
l’étaient beaucoup moins.
En effet, au XVII siècle, certains individus n’hésitaient pas à
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parcourir plusieurs dizaines de kilomètres afin de faire instrumenter
leurs affaires par le notaire de leur choix. Prenons pour exemple le
25 Cf. infra, annexe n° 2, «Le Palazzo Terzi (Bergame, via Pignolo, 112)», p. 45.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018 n.42
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)