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La carte et le calamus. Stratégies et mobilités professionnelles des notaires à Bergame 31
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cas de Gio Maria Bertelli , «notaire profondément local ». À la fin du
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XVII siècle, ce praticien puisait la grande majorité de sa clientèle au
sein de son village d’origine, Sarnico , ainsi que dans les localités
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limitrophes. Parfaitement inséré au sein des réseaux de sociabilités
locaux, Gio Maria Bertelli n’avait guère besoin de s’aventurer au-
delà de dix kilomètres, et il pouvait ainsi continuer à travailler
quotidiennement au sein de son étude, puisque les clients venaient
directement à lui. Par ailleurs, certains individus étaient capables de
parcourir plusieurs centaines de kilomètres afin de faire enregistrer
leurs contrats auprès d’un notaire choisi avec précision. Il s’agissait
alors de faire appel à un praticien connu et reconnu localement,
lequel donnerait une légitimité plus grande à l’accord ainsi conclu.
Par exemple, le 19 janvier 1695, le «Conto Calepii », un noble local
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«hora hab. in Venetia», c’est-à-dire «habitant actuellement à Venise»,
a eu recours à Gio Maria Bertelli afin de céder une terre en livello 30 à
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Andreia Buelli, co-syndic de la comunità de Sarnico . Calepio
parcourut ainsi les deux cents kilomètres de distance le séparant de
Sarnico, au cœur de son domaine de Valcalepio, afin de faire appel à
un notaire local connu et reconnu pour régler ses affaires personnelles.
Ces circulations à grande(s) échelle(s), qui peuvent paraître rares,
26 Asb, An, Gio Maria Bertelli, c. 5414.
27 R. Borgna, Le notaire et la pratique notariale en Terre Ferme vénitienne. Le cas de
Sarnico entre 1694 et 1695 cit., p. 102.
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28 Voir annexe n° 1, «Carte du distretto bergamasque (XVI – XVII siècles)», p. 29.
e
29 Il s’agissait en réalité de la famille noble locale de Calepio, résidant à Castelli Cale-
pio, petite localité située à dix kilomètres de Sarnico.
30 R. Borgna, Le contrat notarial foncier et agraire en Terre Ferme vénitienne: crédit,
usure et solidarités socioéconomiques (Sarnico, 1694-1695), «Gnomon, Revue internatio-
nale d’histoire du notariat», 183, avril-juin 2015, p. 18: «Le livello était un contrat agraire
relatif à la propriété foncière qui consistait en la concession ad tempus d’un bien, c’est-
à-dire pour un temps donné. L’acquéreur devait payer une somme fixe, définie par les
termes du contrat, ainsi qu’une sorte de “loyer”, dont la périodicité était elle aussi définie
par les dispositions contractuelles. Dans la grande majorité des cas, il était payé une
fois par an, à date fixe. À l’échéance du contrat, le terrain était restitué tel quel au pro-
priétaire, qui pouvait en disposer comme bon lui semblait. Dès lors, à moins qu’il ne fut
prorogé ou ne fût rédigé, le locataire, appelé “livellario”, disposait d’un droit de préem-
ption sur le bien, dont il devait se prévaloir dans les quinze jours à un mois, à compter
du moment où le propriétaire déciderait de confier la gestion de son bien à autrui.» Voir
également R. Borgna, Contrari agrari, usura ed aspetti del credito nei fonti notarili di una
comunità rurale di Terraferma veneta (Sarnico, 1694-1695), «Acta Histriae», University of
Primorska, 21 (1-2), 2013, p. 17. Pour une étude complète sur les fitti et les livelli, voir
G. Corazzol, Fitti e livelli a grano. Un aspetto del credito rurale nel Veneto del ‘500, Milan,
Franco Angeli, 1979. Voir enfin G. Corazzol, Livelli stipulati a Venezia nel 1591. Studio
storico, Pise, 1986.
31 Asb, An, Gio Maria Bertelli, c. 5414, f° 90.
n.42 Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)