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Ricordando Carmelo Trasselli 233
Voulez-vous un aperçu inattendu des conséquences des change-
ments de climat, si discutés aujourd’huì? Voyez, à la suite de Carmelo
Trasselli, les avatars dans l’île de la culture de la canne à sucre. Vou-
lez-vous toucher du doigt les flux commerciaux qui traversent la Mé-
diterranée entière, d’Ouest en Est et d’Est en Ouest? Allez en Sicile où
le métal blanc, qui fait escale pour repartir vers l’Orient, est attiré,
canalisé par une systématique surévaluation de l’or – lequel joue le
rôle d’une mauvaise monnaie, de sorte que, la mauvaise monnaie
chassant la bonne, le métal blanc, introduit légalement ou en fraude,
sera chassé vers les échelles du Levant. Voulez-vous discuter des réa-
lités de la féodalité? Alors regardez, pesez le témoignage sicilien, dé-
gagé de toutes les explications anciennes, traditionnelles, abusives qui
sont, dit notre auteur, «un mélange de Lombardie, de Royaume de
Naples et d’Angleterre, le tout regardé avec les lunettes du siècle fran-
çais des Lumières» – formule rapide, percutante qui prouve, par sur-
croît, que Carmelo Trasselli, parfaitement maître de la langue fran-
çaise, ne refuse jamais à ses interlocuteurs et, bien sûr, à lui-même,
le plaisir exquis de sourire.
Ainsi peut-on interroger sans fin Carmelo Trasselli: sur les pre-
mières banques, sur la Renaissance, sur les subtilités de la culture et
de la politique siciliennes, sur la criminalité et la moralité des débuts
des temps modernes, sur le capitalisme génois si inventif, sur le
peuple juif, “ce peuple méditerranéen”, il a ses réponses, ses façons de
voir originales: la Sicile, bonne fille, ne lui refuse rien. Elle est toujours
pour lui la place forte où il se retranche, dont il part comme Henri
Pirenne de ses Pays Bas, comme Lucien Febvre de sa Franche Comté.
Et faut-il le dire? S’embarquer pour la Sicile réserve bien plus de sur-
prises, donc de joies intellectuelles que toute autre destination. Je re-
gretterai ce que je vais écrire, mais écrivons-le tout de même. L’histo-
rien que je suis serait prêt à trahir Venise, trop connue, trop brillante,
trop exclusivement, abusivement aimée et adulée, pour lui préférer
l’île méridionale. Car la Sicile de Carmelo Trasselli promène les lu-
mières de son phare sur l’étendue entière de la Méditerranée et nous
oblige à la voir avec des yeux étonnés - et ravis. Carmelo Trasselli est
forcément le metteur en scène de ce spectacle. On a dit de moi que
j’avais porté un regard insolite sur la Méditerranée, l’ayant regardée à
l’envers, à partir de l’Afrique du Nord où j’ai longtemps vécu. C’est
possible. Pour le cas qui nous occupe les choses sont bien plus claires,
indéniables. C’est du «nombril de la Méditerranée» que Carmelo Tras-
selli organise son concert d’histoire, ses fresques, sa musique poly-
phonique. Alors vive la Sicile! Vive Carmelo Trasselli!
Mais, à parler seulement de l’historien, j’ai laissé l’homme Trasselli
dans l’ombre et ce n’est certainement pas juste. Car l’homme vaut
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XIX - Aprile 2022
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)