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Ricordando Carmelo Trasselli 231
monde, n’a t-elle pas trouvé ses premiers encouragements en Italie, et
non pas en France?
Carmelo Trasselli, bien sûr, a toutes les qualités que nous recon-
naissons aux historiens de son pays: solide culture humaniste, sens
aigu de la spécificité des documents, habileté paléographique, goût
éperdu de la recherche. Il est naturellement de ceux qui pensent que
l’histoire ne peut s’écrire qu’au prix de la familiarité répétée avec les
sources les plus diverses, les documents d’archives y tenant la pre-
mière place. Et notre collègue a été, par excellence, un merveilleux
archiviste, c’est-à-dire un privilégié de notre métier. L’Italie, qui n’a
pas mis entre les archives et l’Université la barrière qui existe en
France, a organisé l’entrée régulière de ses archivistes dans les cadres
de l’enseignement historique. Quelle supériorité! Armando Sapori en
a été le plus illustre exemple. Alors regrettons que cette possibilité n’ait
pas été offerte, aussi largement qu’il eut été souhaitable, à Carmelo
Trasselli, qui, cependant, a enseigné avec éclat, bien que trop briève-
ment, à l’Université de Messine.
Mais enfin, ni la qualité, ni l’éclat de l’enseignement, ni la passion,
ni le succès de la recherche n’assurent son rang à un très grand histo-
rien. Il y faut bien autre chose, des grâces particulières. Gino Luzzatto
a eu le privilège de voir le passé historique à travers l’histoire éblouis-
sante de Venise; Federico Chabod a été l’homme du Milanais du XVI
e
siècle; Franco Borlandi s’est voulu citoyen de Gênes; Armando Sapori
et Federigo Melis, dans leur pélerinage rétrospectif, sont partis de la
Toscane. Comme Benedetto Croce, si différent d’eux, était parti de
Naples, obstinément, pour obstinément y revenir. Tout historien doit
avoir son pays, sa ville d’élection, son observatoire privilégié, parfaite-
ment reconnu, à partir duquel il voit, essaie de voir les destins du
monde. C’est à Messine, à Palerme, à Catane ou à Trapani que Carmelo
Trasselli a établi ses bases d’action, qu’il cultive ses jardins préférés.
Son œuvre entière porte témoignage sur les mille aspects de la Sicile.
Mais cette œuvre écrite, si abondante soit-elle, n’épuise ni son prodi-
gieux savoir, ni ses curiosités toujours en éveil, j’allais dire juvéniles.
Comme Franco Borlandi qui savait tout et ne publiait pas tout, Car-
melo Trasselli qui sait tout n’a pas encore tout livré dans ses travaux
sur la Sicile d’hier et d’aujourd’hui. S’il a le goût d’écrire, il a non moins
le talent de parler, d’évoquer, de suivre un thème d’histoire, en rejoi-
gnant ou en discutant les vues de n’importe quel interlocuteur. Dans
les rues de Palerme, il est intarissable, étonnant, qu’il s’agisse des mai-
sons, des rues, des statues que l’on rencontre, des nourritures, des
croyances populaires... Et il n’est pas de question qu’on lui pose à la-
quelle il ne réponde avec précision, largeur de vue et un évident plaisir.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XIX - Aprile 2022
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)