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La carte et le calamus. Stratégies et mobilités professionnelles des notaires à Bergame 35
pragmatiques. Le praticien se déplaçait pour rendre service à un
membre de sa famille, à un apparenté ou à un ami, ou alors parce
que les conjonctures professionnelles de son temps l’y contraignaient.
Par-delà la Terre Ferme, ou le «notaire aventurier»
Les mobilités professionnelles des «notaires aventuriers», organisées
à l’échelle de l’Italie septentrionale, étaient encore plus rares. Les
raisons étaient très simples. Dans un premier temps, comme cela a
été évoqué précédemment, un notaire ne pouvait pas se permettre de
prendre le risque de perdre des clients en s’éloignant de son étude
pendant un ou plusieurs jours, voire même plusieurs semaines comme
cela pouvait parfois être le cas. D’autre part, le praticien devait
composer avec les coutumes et les droits locaux, parfois très différents
d’un distretto à l’autre. Les traditions juridiques étaient par exemple
e
différenciées entre Bergame et le more veneto. Entre le XVI et le XVII e
siècle, l’uniformisation juridique n’était pas encore la norme au sein
de l’État vénitien: si les actes «a l’uso di Venetia» étaient de plus en
e
plus courants à la fin du XVII siècle, ils restaient très rares – pour ne
e
pas dire inexistants – à la fin du XVI . Les notaires frontaliers comme
ceux de Sarnico 53 savaient parfaitement composer avec ces disparités
et ils conseillaient leurs clients en ce sens. Enfin, les praticiens
bergamasques n’avaient que très peu de raisons et d’occasions de
s’aventurer au-delà des territoires soumis à la Sérénissime. De même,
les individus préféraient faire appel à des notaires proches d’eux, que
ce soit en termes de proximité géographique, de tradition juridique ou
de culture locale.
Pourtant, Daniele Terzi s’est permis de traverser ces frontières et
de briser ces normes sociales tacites. Le 11 juin 1570, il s’est ainsi
rendu à Mezzano (aujourd’hui San Giuliano Milanese), une petite
localité située au sud-est de Milan, à soixante kilomètres au sud-
ouest de Bergame. Il traversa ainsi la frontière entre le Duché de
Milan et la République de Venise afin d’enregistrer une protestatio,
plus précisément une lettre de créance . Il semble aujourd’hui établi
54
que l’unique motivation d’un tel voyage était le recouvrement d’une
dette de trente liri dont un certain «Giovanni Maria de Terzi», autrement
dit un membre de la famille du notaire, était créditeur.
53 R. Borgna, Le notaire et la pratique notariale en Terre Ferme vénitienne à la fin du
e
XVII siècle (Sarnico, 1694-1695), «Gnomon, Revue internationale d’histoire du notariat»,
173, 2012, p. 8-15.
54 Asb, An, Daniele Terzi, c. 2555, f° 95.
n.42 Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)