Page 40 - 1
P. 40
Borgna (saggi)_3 25/04/18 11:47 Pagina 36
36 Romain Borgna
Cet exemple reste néanmoins unique en son genre. Les notaires
55
bergamasques, ruraux et/ou urbains , restaient très majoritairement
circonscrits à leur «espace vécu», aussi bien local que régional. Leurs
déplacements étaient rares, et ils étaient systématiquement pensés et
pondérés. En revanche, la clientèle des notaires bergamasques était
très mobile, particulièrement les marchands. Certains d’entre eux
parcouraient plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres afin de
56
légaliser leurs affaires. Par exemple, le 24 mars 1573 , deux marchands
brescians, Cominzolo Cominzoli et Bertoldo Mazoli, se présentent
dans l’étude de Daniele Terzi afin de conclure un contrat commercial
(mercatum conventione) avec Lorenzo Coreggi, marchand de Bergame
et représentant de Pietro Garletti, marchand toulousain originaire de
Lemine, en territoire bergamasque, et de «Petro Gallis», ou «Pierre le
Français», commerçant à Lyon. Les termes de l’acte précisent que
Cominzoli et Mazoli doivent fournir annuellement et pendant quatre
ans l’équivalent de 140 paquets (balle) de faux agricoles (ranze, en
dialecte lombard) aux marchands français, via Coreggio, leur
intermédiaire bergamasque. Ainsi, en tout état de cause, les praticiens
du droit ne se démarquaient pas spécifiquement par leur aventurisme,
loin s’en faut, à l’inverse de leur clientèle. Au contraire, leurs mobilités
et leurs actions étaient motivées par un pragmatisme exacerbé dans
la conduite des affaires. En d’autres termes, si le jeu n’en valait pas la
chandelle, ils ne se déplaçaient pas. Bien souvent, les seules motivations
se trouvaient dans le soutien à la famille et/ou aux apparentés, voire
57
parfois, comme nous le verrons ensuite, aux amis .
Ainsi, trois figures du notaire bergamasque émergent: le local,
l’itinérant et l’aventurier. Il ne faut toutefois pas s’y méprendre: ces
trois individus n’étaient pas différents les uns des autres. Aussi le
notaire ponctuellement aventurier était-il avant tout un praticien
ancré dans son espace vécu, local. Si un praticien pouvait se spécialiser
dans une clientèle locale ou régionale, comme nous l’avons montré
pour la petite communauté rurale de Sarnico, les mobilités des
notaires doivent se comprendre et s’analyser au prisme des conjonctures
socio-professionnelles de leur temps et de l’intérêt que les praticiens
pouvaient avoir à se déplacer à différentes échelles géographiques et
55 Sur la question du notariat urbain et de son rapport avec le monde rural, voir J.-
F. Chauvard, Source notariale et analyse des liens sociaux. Un modèle italien ?, dans F.-
J. Ruggiu, S. Beauvalet, V. Gourdon (dir.), Liens sociaux et actes notariés dans le monde
e
e
urbain en France et en Europe (XVI -XVIII siècles), Paris, Presses de l’Université Paris-
Sorbonne, Collection Roland Mousnier, 2004, p. 87-108.
56 Asb, An, Daniele Terzi, c. 2555, f° 435.
57 Voir infra, p. 40.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018 n.42
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)