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La carte et le calamus. Stratégies et mobilités professionnelles des notaires à Bergame 39
Considérés comme membres d’une élite socio-professionnelle, les
notaires bergamasques se devaient ainsi d’entretenir leur représentativité
sociale. Plus précisément, c’est l’ancrage local du notaire qui était au
service de ce processus. Tout se jouait dans l’image que le praticien
renvoyait de lui-même au cœur de la société. Il s’agissait en quelque
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sorte de développer une «image de soi » destinée à alimenter la fama
de la lignée. Aussi était-il nécessaire, pour le notaire, de témoigner au
sein de sa communauté d’une sorte de représentation de sa profession,
mais aussi et surtout de lui-même et de sa propre famille. L’intégralité
de la problématique relative à l’environnement immédiat du notaire, à
sa circulation au sein de l’espace local, à sa représentativité et à son
intégration au sein d’une communauté d’individus se trouve être au
cœur de ce phénomène, caractérisé par la capacité dont disposait le
praticien à développer des stratégies servant les intérêts de son
lignage. Les déplacements dans la ville de Bergame ou dans le village
– seul ou accompagné d’un jeune secondo notaio 64 – consistaient en
autant de mises en scène de sa profession, de sa famille ou de sa
personne sociale au sein de l’espace public.
Dès lors, la profession notariale témoignait d’une position singulière
au sein de la société. Détenteur d’un savoir juridique unique dans la
communauté, le notaire était le représentant de l’autorité publique,
ainsi qu’un de ses multiples relais locaux. Notable, homme de loi et de
confiance, mais aussi et surtout individu neutre et consensuel, il
développait en ce sens toutes les caractéristiques relatives à sa
représentativité sociale. Le notaire bergamasque cherchait à marquer
l’espace local de son empreinte: il se déplaçait de ville en ville, de
village en village, de rue en rue et de maison en maison. Ainsi, entre le
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XVI et le XVII siècles, il se substitua peu à peu aux anciennes élites
féodales, lorsque celles-ci avaient disparu. Parfois, comme dans le cas
de la noble lignée des Terzi, il mit tout en œuvre pour conserver sa
prééminence sociale. D’une certaine manière, il s’agissait alors de
superposer aux lignages nobles de véritables «dynasties professionnelles»,
63 D. Raines, Pouvoir ou privilèges nobiliaires. Le dilemme du patriciat vénitien face
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aux agrégations du XVII siècle, «Annales. Économies, Sociétés, Civilisations», 46 (4),
1991, p. 829.
64 Le secondo notaio, ou notaire en second, était considéré comme un apprenti à Ber-
game. Le praticien exerçait durant une période donnée, fixée au préalable: la sortie de
charge s’accompagnait alors d’un examen, en présence d’un ou deux membres de la
commission d’approbation. Si le candidat était déclaré recevable, il pouvait de facto deve-
nir notaire ad rogandum et donc rédiger et enregistrer des actes en son nom. Voir J.
Schiavini Trezzi, Dal collegio dei notai all’archivio notarile: fonti per la storia del notariato
a Bergamo (secoli XIV-XIX). Inventario dell’archivio Collegii Notariorum Bergomii institutio
et ordines... 1636, Bergame, Provincia di Bergamo, 1997, p. 27.
n.42 Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)