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fondées sur un principe trans-générationnel et patrilinéaire de
transmission de l’activité. En outre, il semblerait que cette construction
mentale – à la fois sociologique et psychologique – d’une «identité de
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classe » ne fut pas suffisante. Aussi les notaires ont-ils usé de leur
prééminence sociale et de leurs ancrages locaux pour créer des
réseaux dépassant le cadre de la lignée, et mettre ainsi au point des
stratégies visant à la préservation de leurs intérêts.
Amitiés notariales
S’il s’agissait à l’origine de servir les intérêts de leur famille, les
notaires bergamasques ont vite compris qu’il était dans leur intérêt
d’alimenter des liens personnels, autrement dit des «amitiés». L’on
passe ainsi de la familia à la communitas, autrement dit à la participation
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«à un groupe ayant un lien en commun ». Cette problématique est
absolument essentielle dans le cadre de notre étude. Comme l’a
montré Claire Bidart, «l’ami nous introduit dans des lieux, des milieux,
des savoirs nouveaux, nous présente aussi des personnes différentes» .
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En d’autres termes, entretenir des amitiés permettait aux notaires
d’élargir leurs horizons sentimentaux, culturels, mais aussi
géographiques et professionnels. L’exemple le plus caractéristique de
ces réseaux d’amitié se trouve dans la documentation relative à la
famille Terzi.
Le 2 mai 1571, Bartolomeo Fino et Daniele Terzi se donnèrent
rendez-vous en la maison d’Aloisio Terzi, frère de Daniele, située via
San Salvatore à Bergame . Par cet acte, Bartolomeo Fino donnait
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procuration à ses frères Giovanni Maria et Blasio ainsi qu’à son fils
Giuseppe afin de donner son approbation (via une rathificatio) à une
datum, autrement dit à une vente de biens fonciers. Si la transaction
65 L. Chauvel, Le retour des classes sociales ?, «Revue de l’Observatoire français des
conjonctures économiques», Institut d’Études Politiques de Paris, 79, 2001, p. 317-318.
Selon Louis Chauvel, qui fonde son propos sur la pensée de Robert Nisbet et Raymond
Aron, l’identité de classe se définit selon trois modalités: «a. L’identité temporelle, c’est-
à-dire la permanence de la catégorie, l’imperméabilité à la mobilité intra- et intergénéra-
tionnelle, l’absence de porosité aux échanges matrimoniaux avec les autres catégories
(homogamie); b. L’identité culturelle, c’est-à-dire le partage de références symboliques spé-
cifiques, de modes de vie et de façons de faire permettant une inter-reconnaissance; c.
L’identité collective, à savoir une capacité à agir collectivement, de façon conflictuelle, dans
la sphère politique afin de faire reconnaître l’unité de la classe et ses intérêts.»
66 C.T. Lewis, C. Short, A Latin Dictionary, Oxford, Clarendon Press, 1879, p. 384.
67 C. Bidart, Les âges de l’amitié. Cours de la vie et formes de la socialisation, «Trans-
versalités», 113, janvier-mars 2010, p. 66.
68 Asb, An, Daniele Terzi, c. 2555, f° 216.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018 n.42
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)