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La carte et le calamus. Stratégies et mobilités professionnelles des notaires à Bergame 41

se fit par le biais d’une procuration et d’une approbation, c’est parce
que les propriétés se situaient à Talamello, petit village d’Émilie-
Romagne localisé dans les montagnes dominant Cesena, à près de
290 kilomètres à vol d’oiseau de Bergame! En l’occurrence, Bartolomeo
Fino se trouvait être l’acheteur de nombreux biens parmi lesquels une
maison, un four à pain et des terres, dont une portion appartenant à
une noble famille de la région, les Malatesta Lunardelli. Le tout
formait un domaine appelé «Villa Gatulini», selon une description de
la province de Ravenne réalisée le 3 octobre 1371 par le cardinal
69
Anglico de Grimoard . Dans l’acte, il est précisé que le premier
contrat fut enregistré quatre ans auparavant, le 28 mai 1567, et que
la transaction a été réalisée selon la «traditione» de Cesena.
De ce fait, pourquoi Daniele Terzi aurait-il instrumenté une telle
affaire, si éloignée de Bergame et de Borgo di Terzo ? La raison paraît
simple: il s’agissait d’activer ses réseaux de sociabilité afin de venir en
aide à un ami. Plus précisément, dans cet acte, ce furent les réseaux
d’amitié et de pouvoir qui furent mobilisés. En effet, l’on retrouve
parmi les témoins des membres des grandes familles locales. Antonio
Viscardi, par exemple, était issu d’une famille insérée dans les cercles
de notaires et de Somasques 70 à Bergame. Cristoforo de Suardi,
témoin et notaire ayant apposé son seing privé sur l’acte, était issu
71
d’une noble lignée bergamasque, proche des Terzi . Daniele Terzi a
également fait appel à Giovanni Pietro de Terzi, un aristocrate local de
sa propre famille, afin de légitimer cet acte et de témoigner de la
transaction. Le notaire s’est donc déplacé dans un lieu partiellement
neutre, à savoir le domicile de son frère, situé à quelques encablures
du sien, afin d’enregistrer un acte concernant des cercles de nobles
et/ou de puissants rayonnant à l’échelle de la péninsule italienne
toute entière. Ici, la mobilité était double: la transaction, qui concernait
des biens situés à plusieurs centaines de kilomètres, fut confirmée à
l’échelle locale. D’une certaine manière, le notaire n’eut pas besoin de
parcourir de longues distances afin d’enregistrer des actes concernant
des affaires lointaines, puisqu’il pouvait le faire depuis son espace

69 M. Fantuzzi, Monumenti ravennati de’ secoli di mezzo, per la maggior parte inediti,
t. 5, Venise, 1803, p. 32-35. Dans cet ouvrage, le «comte» Marco Fantuzzi propose une
transcription de la «Description intégrale de la Province de Romagne par le Cardinal
Anglico, Évêque d’Albano, et Vicaire Général pour la Sainte Église Romaine en Italie –
Année 1371, 9 octobre», document extrait de l’Archivio Segreto Vaticano.
70 Les Somasques (Somaschi en italien) étaient des clercs venant en aide aux jeunes
sans famille, abandonnés ou orphelins. L’ordre a été fondé en 1532 à Somasca, en Lom-
bardie, par saint Jérôme Émilien, un noble vénitien.
71 Les notaires Terzi instrumentaient régulièrement chez les Suardi, en particulier
Daniele Terzi.

n.42 Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)