Page 46 - 1
P. 46

Borgna (saggi)_3  25/04/18  11:47  Pagina 42






                 42                                                      Romain Borgna


                 vécu. La seule différence étant qu’il était obligé de faire appel à ses
                 cercles  d’amitiés  et  de  sociabilités  afin  de  rendre  l’acte  légitime,  et
                 donc  d’outrepasser  la  problématique  de  la  mobilité.  Ainsi,  d’une
                 certaine manière, les amitiés suffisaient à annihiler les distances et à
                 légitimer des transactions, transcendant la nécessité des mobilités.



                 Des stratégies notariales proposées aux clients

                    D’autre  part,  les  notaires  bergamasques  n’agissaient  pas
                 nécessairement pour leur propre compte, celui de leur famille ou de
                 leurs amis. En tant que professionnels du droit et référents au sein de
                 la société, ils avaient un devoir de conseil envers leurs clients. Aussi
                 devaient-ils mettre en place des stratégies destinées à servir au mieux
                 les intérêts de ces derniers. En cela, les mobilités pouvaient se révéler
                                                                    e
                 extrêmement intéressantes. En effet, à la fin du XVII siècle, le notaire
                 Giuseppe  Guida  semblait  considérer  ses  déplacements  provinciaux
                 réguliers comme une véritable spécialité. Plus précisément, il élabora
                 son office notarial comme un exercice frontalier entre les distretti de
                 Bergame et de Brescia. D’une certaine manière, les clients pouvaient
                 alors connaître Giuseppe Guida pour cela, et il leur était possible de
                 mettre au point des stratégies visant à jouer sur le caractère frontalier
                 de leur région pour servir au mieux leurs intérêts socioéconomiques.
                    Ainsi,  il  n’était  pas  rare  d’observer  des  habitants  des  petites
                 communautés rurales frontalières comme Sarnico acheter des terres
                 en  territoire  brescian  et  vice-versa.  Le  8  mars  1695,  Gio  Panolo,
                 Alessandro, Pietro et Gio Giacomo Bertelli de Sarnico, tous frères, ont
                 vendu  chacun  un  livello  à  Gio  Batta  Alberici  de  Sarnico,  et  à  ses
                                                                          72
                 neveux Francesco et Antonio Tomaso Alberici de Bergame . Élément
                 intéressant: les terres concédées, «aradre et in parte boschine», «arables
                 et en partie boisées», se situaient à Paratico, de l’autre côté de l’Oglio,
                                          73
                 dans le district de Brescia . Le notaire s’est lui-même déplacé afin de
                 faire  enregistrer  cet  acte  non  pas  en  pays  bergamasque,  mais  à
                 quelques  centaines  de  mètres,  de  l’autre  côté  de  la  frontière!  Il
                 semblerait que la volonté de réaliser une bonne affaire, plus intéressante
                 qu’elle  aurait  pu  l’être  dans  le  distretto  de  Bergame,  ait  motivé  les
                 acheteurs, qui avaient l’intention de concéder l’usage de la terre à une
                 multitude  de  villageois  de  Paratico,  moyennant  le  paiement  annuel
                 d’un fitto individuel couvrant, dès la première année, le prix total de la





                    72  Asb, An, Giuseppe Guida, c. 5638, f° 69.
                                                                e
                    73  Voir annexe n° 1, «Carte du distretto bergamasque (XVI – XVII siècles)», p. 45.
                                                                     e
                 Mediterranea - ricerche storiche - Anno XV - Aprile 2018       n.42
                 ISSN 1824-3010 (stampa)  ISSN 1828-230X (online)
   41   42   43   44   45   46   47   48   49   50   51