Page 86 - Mediterranea-ricerche storiche, n. 48, aprile 2020flip
P. 86

86                                         Andrea Caracausi, Corine Maitte


                du travail imposé à leurs membres la centralité et la rationalisation de
                celui-ci, les institutions catholiques auraient été affligées en la matière
                d’une inefficacité chronique et persistante . C’est ce postulat, peu dis-
                                                         8
                cuté, que nous avons voulu mettre en question, en éclairant la situa-
                tion  italienne  de  comparaisons  avec  les  hospices  des  pauvres  du
                monde  hispanique  (Madrid-Agua  de  la  Roza;  Mexico-Rossi).  Nous
                avons également choisi d’étudier ce thème dans la longue durée, car il
                nous semble que les discontinuités souvent implicites liées à la parti-
                tion du travail des historiens, celles entre Renaissance et époque post-
                tridentine, par exemple, ou entre Ancien Régime et époque contempo-
                raine, doivent être discutées, si ce n’est remises en question. Une at-
                tention particulière a été portée à la séquence XVII -XVIII  siècle, lors-
                                                                 e
                                                                       e
                que de grands projets d’enfermement des pauvres se développent un
                peu partout, repris et reformulés dans un langage différent par les
                autorités étatiques éclairées du XVIII  siècle. Enfin, nous avons sou-
                                                    e
                haité encourager des études sur une ou plusieurs institutions carita-
                tives plutôt que des approches macro sur des régions et des États en-
                tiers. L'objectif est en effet de partir d'études de cas approfondies afin
                de permettre des comparaisons fructueuses.
                   Bien sûr, tout un courant historiographique a insisté sur la norma-
                lisation  des  comportements  que  ces  institutions  engendraient  ou  du
                moins cherchaient à inculquer aux pauvres. Il ne s’agit cependant pas
                ici de reprendre à notre compte les propos parfois simplifiés de Marx ou
                de  Foucault  sur  « l’armée  de  réserve »  ou  la  « disciplinarisation  des
                pauvres » . Nous ne croyons pas que les processus obéissent à des
                         9
                motifs simples et univoques. Il faut également questionner la façon
                dont le travail proposé par certaines de ces institutions s’ajoutait –ou
                non– aux possibilités offertes localement par les entrepreneurs privés,
                par  les  corporations  et  dont  les  individus  se  sont  appropriés  ces


                   8  Sur les institutions protestantes, la bibliographie est surabondante, notamment du
                côté  anglais :  voir  notamment  F.  Driver,  Power  and  Pauperism,  Cambridge  University
                Press, Cambridge, 2004; J. Carré, La prison des pauvres. L’expérience des workhouses en
                Angleterre,  Vendémiaire,  Paris,  2016;  P.  Higginbotham,  Workhouses  of  the  North,
                Stroud, The History Press, 2006; R. Schalk, From Orphan to Artisan: Apprenticeship Ca-
                reers and Contract Enforcement in The Netherlands before and after the Guild Abolition,
                «The  Economic  History  Review»,  70,  (2017),  3,  pp.  730-757;  Elise  van  Nederveen
                Meerkerk, Ariadne Schmidt, Between Wage Labor and Vocation: Child Labor in Dutch
                Urban Industry, 1600-1800, «Journal of Social History», 41 (2008), pp. 717-736. D. Lom-
                bardi,  par  exemple,  soutient,  à  propos  des  institutions  pieuses  de  Florence,  qu’elles
                n’auraient pas institué une assistance aux pauvres basée sur l’éthique du travail, mais
                plutôt sur la mortification, la pénitence et la confession cf. D. Lombardi, L’ospedale dei
                mendicanti nella Firenze del Seicento. ‘Da inutile serraglio dei mendici a conservatorio e
                casa di forza per le donne’ », «Società e storia», 24, (1984), pp. 290-311, ici p. 301.
                   9  K. Marx, Il capitale : critica dell'economia politica, Rinascita, Roma, 1951; M. Fou-
                cault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Gallimard, Paris, 1975.



                Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
                ISSN 1824-3010 (stampa)  ISSN 1828-230X (online)
   81   82   83   84   85   86   87   88   89   90   91