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Donner du travail aux pauvres : les logiques laborieuses dans les institutions... 117
subventions ponctuelles à l’art de la laine et de la soie se fondent sur
l’idée que « la charité la plus fructueuse qu’on peut leur faire semble
celle de leur faire gagner leur pain avec leurs fatigues » . Dans le même
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ordre d’idée, les travaux de construction peuvent être d’utiles chantiers
d’occupation des pauvres du Nord au Sud de l’Europe : ainsi, les
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hommes des Mendicanti sont-ils alors employés dans l’agrandissement
du Palais Pitti. Tout cela est destiné à ne pas les détourner du labeur,
comme sont au contraire accusées de le faire les distributions de grain
ou d’argent, pourtant également entreprises par la congrégation de San
Giovanni, qui rendraient la plèbe « infingarda e la desvia dall’esercizio ».
Cela fait toujours partie de l’horizon mental de beaucoup d’administra-
teurs et d’intellectuels au XVIII siècle dont certains proposent l’aboli-
e
tion pure et simple de toute forme d’assistance et l’interdiction stricte
de toute mendicité . Cependant, la conscience d’une crise plus grave
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se développe chez d’autres. Parallèlement, une insistance renouvelée est
mise sur l’importance de la famille et la nécessité de secourir l’ensemble
de la communauté familiale plutôt que d’en séparer les membres. C’est
la raison pour laquelle Franci, tout en ne délaissant pas l’œuvre de la
Pia Casa del Rifugio, est incité à fournir du travail à domicile aux
pauvres de « Florence et de son Contado » par un motuproprio de 1694 .
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La majeure partie de son testament est d’ailleurs consacrée à ce pro-
blème. Les livres comptables de la Pia Casa attestent que, mi XVIII
e
siècle, la filature du lin, de la laine, la couture des toiles, des draps et
des draps de lit sont confiées par l’institution à des femmes de famille
pauvres pour un montant d’affaires certes assez modeste de quelques
centaines de ducats par an .
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C’est surtout la Congrégation de San Giovanni Battista, fondée en
1700-1701, qui va s’atteler à ce problème . Giovanni Maria Baldigiani
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et Carlo Gianni –également responsable de la Pia Casa– en sont les
animateurs. Sans renoncer à l’idéal toujours affirmé d’enfermer tous
81 Asf, Arte della lana, 447, n. 350, I deputati al granduca, s.d. (mais avant le rescrit
du 5/03/1623), cité par D. Lombardi, Poveri a Firenze cit., p. 175.
82 Cf. J.P. Gutton, La société et les pauvres en Europe, Presses Universitaires de
France, Paris, 1974.
83 A. G. B. Paolini, Della legitima libertà del commercio, Firenze, 1785.
84 Cité par F. Fineschi, La Quarconia cit., p. 283.
85 F. Fineschi, La Quarconia cit., p. 227 ; il est à noter que les couvents florentins
impliqués dans le tirage de la soie au XV e siècle redistribuaient également le travail à
domicile cf. S. T. Stracchia, Nuns and nunneries cit., pp.119-120.
86 L. Passerini, Storia degli stabilimenti di beneficenza cit., p. 501 et sq : il la con-
sidère fondée en 1441 pour les pauvres honteux et restée en vigueur sous les Lorraines,
les Français, la Restauration. En fait, elle est fondée en 1700-1701 cf. L. Cajani, L’assi-
stenza ai poveri nella Toscana settecentesca cit. Sur son action au XIX e siècle, voir S.
Woolf, Porca miseria cit., pp. 150-160.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)