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Donner du travail aux pauvres : les logiques laborieuses dans les institutions... 115
l’organisation des espaces est pensée. Outre les dortoirs, les éventuelles
chapelles, le travail est localisé dans de grandes pièces, ou au contraire
dans des lieux plus apartés, voire des chambres selon le nombre des
pensionnaires destinés aux opérations. L’idée se développe d’une rela-
tive spécialisation des espaces, même si les pratiques sont parfois assez
éloignées des programmes initiaux. Avec les espaces, c’est aussi le
temps qui est théoriquement distingué entre travail, repos et oraisons.
Ainsi aux Mendicanti, 8 à 10 heures de travail par jour, selon les sai-
sons, sont prévues dans le stanzone selon une discipline du temps et
des règles collectives imposées par les règlements .
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En réalité, les multiples comptes rendus des administrateurs mon-
trent que la notion de temps de travail n’est souvent pas aussi rigide
qu’il n’y paraît, notamment parce que dans les murs et hors de toute
réglementation, existe tout un travail « privé » réalisé pour des tiers et
qui a la préférence des pensionnaires car il leur est plus rémunérateur :
cette « zone grise » de travail non gérée par l’institution échappe par
définition à toute comptabilité. C’est aussi ce que soulignait Angela
Groppi ou F. Saccà dans les Conservatori romains . Mais cela ne veut
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pas dire que l’acculturation à des horaires de travail plus stricts n’ait
pas été tentée. Ainsi, aux Mendicanti, le règlement imprimé qui précise
les horaires de travail est affiché dans toutes les pièces , comme on
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peut le trouver de plus en plus fréquemment aussi dans les grandes
manufactures concentrées. Si le geste marque sans doute l’impuissance
à imposer strictement ces règles, il n’en témoigne pas moins aussi d’un
effort redoublé d’imposition d’une discipline temporelle.
Dans cette optique, il faut souligner la convergence des adminis-
trateurs de toutes ces institutions. Si la Casa Pia del Rifugio institue
dès le départ de stricts horaires, c’est surtout le conflit né aux Inno-
centi en 1687 dont toute la ville a bruissé. En effet, en juin de cette
année, les tensions entre le Spedalingo et les filles a débordé les murs
puisque les Nocentine se sont permises d’organiser une « rebellion ou-
verte » alors que le grand-duc passait devant l’établissement pour se
rendre à l’église de Santa Annunziata. L’enquête immédiatement ou-
verte montre que l’objet du conflit est justement la réorganisation à la
fois spatiale et temporelle du travail entreprise par le Spedalingo Graz-
zini qui veut impliquer un plus grand nombre de pensionnaires dans
le renvidage de la soie pour accroître les revenus de l’institution et
75 Voir, parmi les autres contributions à ce numéro, les articles de J. Agua de la
Roza ou de R. Rossi.
76 A. Groppi, I conservatori della virtù. Donne recluse nella Roma dei Papi, Laterza,
Bari, 1994; Voir également F. Saccà, L’assistenza alle ragazze cit.; pour les Mendicanti,
D. Lombardi, Povertà maschile, povertà feminile cit., p. 172-3.
77 Idem. Asf, Pratica Segreta, b. 185, relazione de Bandini c. 453 r.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)