Page 119 - Mediterranea-ricerche storiche, n. 48, aprile 2020flip
P. 119

Donner du travail aux pauvres : les logiques laborieuses dans les institutions...   119


                    Paradoxalement, c’est avec le gouvernement « libéral » et d’orientation
                    nettement physiocratique de Pierre Léopold que la Congrégation reçoit
                    des subsides permanents et importants. Pour faire face à la misère
                    née de la crise frumentaire de 1765, et à l’anémie plus générale des
                    activités manufacturières du grand-duché, le Magistrat des Nove invite
                    en 1767 toutes les communautés à donner du travail aux pauvres par
                    le biais de réparations des édifices publics, de chantiers fluviaux ou
                    routiers, de travail textile gérés par des entrepreneurs privés : des so-
                    lutions proches des ateliers de charité organisés en France . À Flo-
                                                                               90
                    rence même, des chantiers routiers sont entrepris et l’action de la Con-
                    grégation redouble. Le grand-duc lui accorde 10 000 écus, bien plus
                    que les 1170 accordés à des entrepreneurs privés des communautés
                    toscanes.  En  même  temps,  et  malgré  l’aversion  proclamée  pour  les
                    privilèges exclusifs, il lui concède l’approvisionnement exclusif de la
                    Cour en produits de lin, chanvre et coton . En 1772, c’est encore la
                                                             91
                    Congrégation qui sert de relais pour tenter de relancer la soierie, par
                    l’intermédiaire d’un prêt de 4000 écus, mais cela semble un échec. À
                    partir de 1777, la Depositeria lui verse annuellement 1000 lires, avant
                    qu’en 1782 un nouveau prêt –énorme– de 30 000 écus lui soit accordé
                    pour relancer l’activité lainière désormais atone de la capitale . En
                                                                                  92
                    1783, s’y ajoutent une fabrique de rubans, une autre de chapeaux de
                    paille et une troisième enfin de tapis de laine, sans compter les toiles
                    et cordage de chanvre à Pratolino. Selon ses détracteurs, la tentative
                    aurait été un échec et les deux autres entreprises lainières que gérait
                    la Congrégation auraient ensuite été fermées pour être réunies dans
                    un vaste établissement d’art de la laine dont la partie concentrée est
                    installée dans la Fortezza da Basso : l’alliance entre concentration et
                    dispersion du travail ressemble à s’y méprendre à ce que les entrepre-
                    neurs florentins pratiquent depuis des siècles. L’entreprise a alors pris


                       90  A. Conchon, Les travaux publics comme ressource : les ateliers de charité dans les
                    dernières décennies du xviii e  siècle, « Mélanges de l’École française de Rome - Italie et
                    Méditerranée modernes et contemporaines », 123 (2011), 1, pp. 173-180. Les relations
                    entre le gouvernement de Pierre Léopold et les milieux physiocrates français sont très
                    importants. Il n’est pas donc indifférent que le rescrit du 16 mars 1767 préconise que
                    les travaux routiers soient effectués par les « braccianti solamente, che sono abitanti del
                    vicariato, comunità e popolo dove si fa il lavoro ad esclusione degli estranei, e dei lavo-
                    ratori della terra di quella tal giurisdizione, quando possano essere impiegati dai loro
                    padroni » cf. V. Zobi, Storia civile della Toscana dal 1737 al 1848, Firenze, 1852, II, p.
                    41. Bien entendu, la réforme entreprise par le frère de Léopold, Joseph II, dans ses États
                    dans les années 1779-80, fut aussi étudiée et commentée en Toscane, comme le prouve
                    certaines relations conservées aux archives d’État de Florence (Asf, Segreteria di gabi-
                    netto, III, ins. 3, 4, 8) cf. L. Cajani, L’assistenza ai poveri cit., note 76, p. 203.
                       91  L. Cajani, L’assistenza ai poveri cit., pp. 200-201.
                       92  28 000 écus de la Depositeria et 2000 de la poche personnelle du grand-duc, L.
                    Cajani, L’assistenza ai poveri nella Toscana settecentesca cit., p. 201.


                                                 Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
                                                           ISSN 1824-3010 (stampa)  ISSN 1828-230X (online)
   114   115   116   117   118   119   120   121   122   123   124