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Donner du travail aux pauvres : les logiques laborieuses dans les institutions...   109


                    manque de débouchés et réticence des filles semblent donc converger
                    pour réduire cette production qui, malgré tout, fournit alors à l’Hôpital
                    89 % des revenus du travail des filles : c’est dire qu’il en prélève sans
                    doute l’essentiel, ce qui compte également dans la mauvaise volonté
                    des pensionnaires à y travailler. On touche là en effet un point sen-
                    sible : la part différente que prélèvent les institutions et celle que tou-
                    chent les « convives » sur les différentes sortes de travaux qui s’accom-
                    plissent dans les murs.
                       Mais le travail initial de la soie n’est pas la spécialité des Innocenti.
                    Au XVI  siècle, les nouvelles institutions, comme le conservatoire de la
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                    Pietà ou S. Niccolò, se sont rapidement lancés dans ces activités, et ce
                    d’autant plus facilement que les femmes de soyeux étaient membres
                    de la congrégation qui gérait le premier . S’il est difficile d’évaluer la
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                    part respective des revenus des différentes activités que la Pietà faisait
                    faire à ses filles, la soie est sans doute l’une des plus importantes et
                    doit donc constituer une part notable des 750 florins d’or que l’insti-
                    tutions retira de leur travail entre 1566 et 1578, soit 40 à 50 % des
                    recettes totales . Un pourcentage que l’on retrouve un siècle plus tard
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                    dans l’Hôpital des Mendicanti où le travail de la soie constitue une part
                    non négligeable des entrées de l’institution à partir des années 1640,
                    quand il semble diminuer aux Innocenti : est-il possible qu’un système
                    de vases communicants ait existé entre les deux institutions ? Dès les
                    années  1630,  les  gérants  des  Mendicanti  indiquent  leur  préférence
                    pour le renvidage de la soie plutôt que pour le tissage de la laine, im-
                    posé par le grand-duc : ils la jugent plus rapide à apprendre et plus
                    profitable . Ils semblent atteindre leur but dans les années 1640 et,
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                    à partir des années 1670 jusqu’aux années 1730 au moins, ce poste
                    constitue souvent plus de 40 % des entrées de l’institution . Il serait
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                    donc difficile de dire qu’il est marginal dans son équilibre financier.
                    Daniela  Lombardi  a  d’ailleurs  souligné  la  façon  dont  certains  gros
                    marchands-fabricants  utilisent  très  largement  cette  main-d’oeuvre,
                    souvent en fournissant à la fois la matière première et les instruments,
                    comme l’ont fait leurs prédécesseurs du XV  siècle avec les couvents
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                    de femmes : la maison de Andrea Baci, dans les années 1672-74, puis
                    l’importante  entreprise  de  Giuseppe  Frescobaldi  et  compagnie  au
                    XVIII  siècle qui y introduit aussi la phase de la filature, alors même
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                       47  N. Terpstra, Lost Girls cit., p. 66-79.
                       48  N. Terpstra, L’infanzia abbandonata cit.
                       49  Asf, Pratica Segreta, 182, cc. 198-199, cité par D. Lombardi, Poveri a Firenze cit.,
                    note 29, p. 176.
                       50  D. Lombardi, Povertà maschile, povertà feminile cit., p. 159 ; 1643 : 17,5% (avec
                    250 reclus); 1676: 45,4 %, 1681: 41 %, 1724: 31,4 %, 1730: 42 %


                                                 Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
                                                           ISSN 1824-3010 (stampa)  ISSN 1828-230X (online)
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