Page 111 - Mediterranea-ricerche storiche, n. 48, aprile 2020flip
P. 111

Donner du travail aux pauvres : les logiques laborieuses dans les institutions...   111


                    établissements qui forment ainsi une main-d’oeuvre locale à ces nou-
                    veautés.
                       Assurément, la Pia Casa del Rifugio est l’une des institutions qui
                    cumule les privilèges. Elle récupère notamment celui de la fabrication
                    des bonnets à la levantine dont l’industrie prospère dans les ports mé-
                    diterranéens de l’époque moderne . Imités de ceux de Tunis ou de
                                                      54
                    Fès, les entrepreneurs tentent d’en produire différents modèles expor-
                    tés dans tout le Levant dont le marché semble infini. Si la production
                    a pris pied à Livourne au début du XVII  siècle, elle semble disparaître
                                                           e
                    alors relativement rapidement. À la fin du XVII  siècle par contre, des
                                                                  e
                    entrepreneurs marseillais - Pietro Giordano (de 1662 à 1667) , suivi
                                                                                 55
                    par Luigi Giordano, en 1672 - obtiennent du grand-duc un privilège
                    qui va être régulièrement renouvelé pour sa veuve (Margherita Paien-
                    1697-1717 ), son fils Gio-Batta (1697-1728 ), sa bru devenue veuve,
                                                               57
                               56
                    Anna Possi. C’est elle, qui, librement ou plus ou moins forcée par le
                    gouvernement, on ne sait, cède son privilège des bonnets levantins à
                    la Casa Pia del Rifugio di San Filippo Neri en 1730  : l’institution est
                                                                      58
                    donc la seule à pouvoir faire fabriquer ces bonnets de 1730 à 1765,
                    voire au-delà . Voici donc une institution caritative qui acquiert un
                                 59
                    monopole de fabrication, grâce à la protection du grand-duc. Il s’agit
                    d’une  situation  où  l’institution  est  le  protagoniste  en  première  per-
                    sonne du privilège de fabrication et non de façon induite, comme cela
                    se rencontre fréquemment, dans les cas où, par exemple, les entrepre-
                    neurs privilégiés ont la possibilité de bénéficier de la main-d’oeuvre de
                    ces  institutions  en  échange  bien  entendu  de  leur  apprentissage  du
                    métier. Ici, la production existe déjà, ce n’est donc pas une nouveauté,
                    mais une façon pour trouver une source de travail et de financement
                    à l’institution qui, d’ailleurs, sous-traite parfois une partie de la pro-
                    duction et en fait réaliser sans doute aussi une partie à l’extérieur, j’y
                    reviendrai . Liée à cette concession, car aux mains de la même des-
                              60
                    cendante, se trouve également celle des bas de laine à la mode de Fab-
                    briano dont on sait que l’institution fournit par exemple le régiment


                       54  L. Valensi, Islam et capitalisme: production et commerce des chéchias en Tunisie et
                    en France aux XVIII e  et XIX e  siècles, « Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine », XVI,
                    pp. 376-400; C. Maitte, Adapter les produits, jouer sur les marchés. La fabrication des
                    chéchias, XVIII e -XIX e  siècles, in G. L. Fontana, G. Gayot (a cura di), La laine, produits et
                    marchés (XIII e -XX e  siècles), Cleup, Padoue, 2004, pp. 1115-1142.
                       55  Asf, Pratica Segreta 192.
                       56  Dernier renouvellement 1717 cf. Asf, Auditore poi Segretario delle Riformagioni, 76.
                       57  Asf, Auditore poi Segretario delle Riformagioni, 78.
                       58  Asf, Pratica Segreta 197.
                       59  Asf, Auditore poi Segretario delle Riformagioni, 100.
                       60  Antonio Volpe de Livourne obtient, en 1755, la sous-traitance de 30 douzaines cf.
                    Apclf, 388.


                                                 Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
                                                           ISSN 1824-3010 (stampa)  ISSN 1828-230X (online)
   106   107   108   109   110   111   112   113   114   115   116