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Donner du travail aux pauvres : les logiques laborieuses dans les institutions... 111
établissements qui forment ainsi une main-d’oeuvre locale à ces nou-
veautés.
Assurément, la Pia Casa del Rifugio est l’une des institutions qui
cumule les privilèges. Elle récupère notamment celui de la fabrication
des bonnets à la levantine dont l’industrie prospère dans les ports mé-
diterranéens de l’époque moderne . Imités de ceux de Tunis ou de
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Fès, les entrepreneurs tentent d’en produire différents modèles expor-
tés dans tout le Levant dont le marché semble infini. Si la production
a pris pied à Livourne au début du XVII siècle, elle semble disparaître
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alors relativement rapidement. À la fin du XVII siècle par contre, des
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entrepreneurs marseillais - Pietro Giordano (de 1662 à 1667) , suivi
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par Luigi Giordano, en 1672 - obtiennent du grand-duc un privilège
qui va être régulièrement renouvelé pour sa veuve (Margherita Paien-
1697-1717 ), son fils Gio-Batta (1697-1728 ), sa bru devenue veuve,
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Anna Possi. C’est elle, qui, librement ou plus ou moins forcée par le
gouvernement, on ne sait, cède son privilège des bonnets levantins à
la Casa Pia del Rifugio di San Filippo Neri en 1730 : l’institution est
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donc la seule à pouvoir faire fabriquer ces bonnets de 1730 à 1765,
voire au-delà . Voici donc une institution caritative qui acquiert un
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monopole de fabrication, grâce à la protection du grand-duc. Il s’agit
d’une situation où l’institution est le protagoniste en première per-
sonne du privilège de fabrication et non de façon induite, comme cela
se rencontre fréquemment, dans les cas où, par exemple, les entrepre-
neurs privilégiés ont la possibilité de bénéficier de la main-d’oeuvre de
ces institutions en échange bien entendu de leur apprentissage du
métier. Ici, la production existe déjà, ce n’est donc pas une nouveauté,
mais une façon pour trouver une source de travail et de financement
à l’institution qui, d’ailleurs, sous-traite parfois une partie de la pro-
duction et en fait réaliser sans doute aussi une partie à l’extérieur, j’y
reviendrai . Liée à cette concession, car aux mains de la même des-
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cendante, se trouve également celle des bas de laine à la mode de Fab-
briano dont on sait que l’institution fournit par exemple le régiment
54 L. Valensi, Islam et capitalisme: production et commerce des chéchias en Tunisie et
en France aux XVIII e et XIX e siècles, « Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine », XVI,
pp. 376-400; C. Maitte, Adapter les produits, jouer sur les marchés. La fabrication des
chéchias, XVIII e -XIX e siècles, in G. L. Fontana, G. Gayot (a cura di), La laine, produits et
marchés (XIII e -XX e siècles), Cleup, Padoue, 2004, pp. 1115-1142.
55 Asf, Pratica Segreta 192.
56 Dernier renouvellement 1717 cf. Asf, Auditore poi Segretario delle Riformagioni, 76.
57 Asf, Auditore poi Segretario delle Riformagioni, 78.
58 Asf, Pratica Segreta 197.
59 Asf, Auditore poi Segretario delle Riformagioni, 100.
60 Antonio Volpe de Livourne obtient, en 1755, la sous-traitance de 30 douzaines cf.
Apclf, 388.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)