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                institutions sont parfois loin d’être aussi négligeables qu’on l’a souvent
                pensé ou affirmé. C’est parfois autour de 30-45 % des recettes qui sont
                ainsi  générés  par  le  labeur  de  leurs  dépendants  (Caracausi,  Maitte),
                source alors indispensable à leur survie même.
                   Il est par contre encore plus difficile de mesurer l’impact de l’utilisa-
                tion des ressources des différentes formes de labeur proposées par ces
                institutions pour les entrepreneurs qui leur achètent produits finis ou
                –plus souvent sans doute – semi-finis : il faudrait pour cela pénétrer
                dans la comptabilité propre de chacun d’entre eux, ce qui n’a pas été
                possible dans le cadre des articles ici présentés. Mais il semble indé-
                niable que cela leur a procuré une main-d’œuvre facile, souvent à bon
                marché, dont les frais de contrôle ne leur incombent pas : un élément
                sans aucun doute non négligeable dans l’économie des coûts, des temps
                et de la qualité des produits.
                   De la même façon, les ressources laborieuses de ces institutions
                ont  pu  constituer  des  éléments  potentiellement  importants  dans  la
                flexibilité des économies urbaines, voire dans leur capacité d’adapta-
                tion à des produits nouveaux, introduits dans un certain nombre de
                cas par l’intermédiaire de ces institutions (Caracausi, Maitte, Rossi).
                Certaines d’entre elles bénéficient d’ailleurs directement et en propre
                de privilèges leur en attribuant pour un moment au moins l’exclusivité
                (Maitte), ce qui permet à la fois d’assurer l’introduction du produit, la
                formation de la main-d’œuvre et les ressources de l’institution. Paral-
                lèlement, les privilèges reçus par certains entrepreneurs prévoient de
                plus en plus, au XVIII  siècle spécialement, un véritable cahier des
                                      e
                charges dans lequel est souvent incluse la formation ou l’utilisation de
                la main-d’œuvre locale, spécialement celle d’un certain nombre de ces
                institutions : c’est à la fois la garantie d’une pérennité de la profession
                dans la région pour l’Etat qui peut donc l’imposer aux privilégiés, mais
                aussi celle d’une disponibilité en main-d’œuvre disciplinée et bon mar-
                ché pour les entrepreneurs qui parfois la demandent donc. Les uns
                comme les autres en espèrent de toute façon une propagation des nou-
                veautés, dont le succès n’est pas forcément aussi facile qu’ils ne l’es-
                comptent. Ainsi, les frères Carlo et Carlo Rho reçoivent du gouverne-
                ment lombard un privilège pour l’introduction des indiennes et de leur
                calendrage en Lombardie en 1756. L’État leur verse 80 000 lires et ils
                s’engagent à faire battre 200 métiers. Si, en 1766, après la division de
                la société entre les deux frères, un seul n’en fait plus battre que sept,
                il utilise par contre la main-d’œuvre des institutions charitables pour
                alimenter ses métiers en filés . Tous ces exemples semblent montrer
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                   22  C. A. Vianello (a cura di), Relazioni sull’industria, il commercio e l’agricoltura lom-
                bardi del ’700, Giuffrè, Milano, 1941, pp. 39-43.



                Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
                ISSN 1824-3010 (stampa)  ISSN 1828-230X (online)
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