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Les institutions charitables comme lieux de travail, XVI -XX siecle 93
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que les institutions furent fréquemment des voies d’introduction d’in-
novations productives, voire d’innovations d’organisation, ce qui sus-
cite d’ailleurs parfois des confrontations au sein même des différentes
organisations existant sur la place, comme c’est le cas à Turin. Ainsi
Sandra Cavallo montre-t-elle que si « l’efficacité productive était au
cœur de la nouvelle institution du Ritiro delle Rosine, elle était en con-
flit avec les valeurs défendues par les hôpitaux plus traditionnels » .
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« Elle a néanmoins contribué au processus de concentration indus-
trielle et à la rupture avec le corporatisme et a donc été un instrument
important dans la réorganisation de l'industrie manufacturière » . De
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même, à Madrid, la diversification, par l’intermédiaire de ces institu-
tions, des lieux et des formes de production fait partie d’une stratégie
consciente de la part des autorités gagnées par le « tournant libéral »
du XVIII siècle (Agua de la Roza). Les oppositions viennent alors par-
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fois des travailleurs eux-mêmes, manifestant par la fuite, voire par des
révoltes ouvertes, leur opposition aux formes d’organisation qu’on leur
impose (Maitte, Agua de la Roza)
Mais, là encore, il ne faut pas verser dans l’idée d’une opposition
totale et frontale constante entre les institutions et leurs membres
contraints. Nous avons voulu poser la question délicate des éventuels
avantages que les « convives » pouvaient retirer de leur présence en
ces lieux, au-delà de la survie, loin d’être évidente en ce qui concerne
les orphelins. Il est souvent difficile de répondre à cette question, d’au-
tant plus qu’il faut tenir compte des fortes différenciations internes
existant entre tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, travaillent
pour les institutions : quel rapport entre les maîtres étrangers recrutés
pour enseigner de nouvelles façons de faire, parfois très chèrement
payés (Rossi), les travailleurs forcés qui ne reçoivent que logement,
habillement et nourriture, les filles qui touchent au mieux des dots si
elles arrivent à survivre et à trouver un mari ? La diversité est très
grande et les formes comme les échelles de rémunération à étudier
finement au cas par cas. Ainsi, les garçons envoyés dans les bou-
tiques, les filles placées comme domestiques, sont en général rémuné-
rés, même faiblement, ce qui fait des uns comme des autres, non pas
des « apprentis » au sens où nous entendons aujourd’hui le mot, mais
bien plutôt des petits travailleurs (Maitte), comme ceux qui oeuvrent
à l’intérieur des murs. Très peu des « convives » touchent entièrement
le prix de leur travail, conservé par les institutions à titre de
23 S. Cavallo, Charity and power cit., p. 230.
24 Ivi, p. 231. Voir aussi E. Lurgo, Charity and Sanctity: The Ritiri of the Rosine in the
Eighteenth-Century Savoyard State, «European History Quarterly», 50-1 (2020), pp. 5-21.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)