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Donner du travail aux pauvres : les logiques laborieuses dans les institutions... 99
variable . Autant dire que les institutions sont comme une goutte
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d’eau pour secourir la misère urbaine, même si l’on estime aussi que,
dans les années de calamités, plus d’un tiers des baptisés à Florence
pouvait être accueilli par les Innocenti . Pour autant, le travail de 1000
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à 2000 personnes (si l’on enlève les plus petits, les plus vieux, les in-
curables, incapables de travailler) n’est pas forcément négligeable
dans l’économie du travail urbain. Daniela Lombardi soulignait dès
1988 que « les activités manufacturières d’un institut de charité intro-
duisent sur le marché un certain nombre de produits dont il ne reste
aucune trace dans les statistiques économiques urbaines » et dont il
serait néanmoins intéressant de calculer la part dans l’output total de
la ville . Cela n’a toujours pas été fait à ce jour. Disons tout de suite
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que cet article ne comblera hélas pas encore cette lacune.
Mon but ici est, après un panorama rapide des principales institu-
tions et de leur reconfiguration au XVII et XVIII siècle prenant appui
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sur la nombreuse littérature existante (1), d’étudier les formes de travail
qu’elles développent à l’intérieur des murs pour leurs membres, en fonc-
tion de leur âge, de leur sexe, de leur provenance (2). Il s’agit de mettre
l’accent sur le rôle de l’industrie de la soie dans les principales institu-
tions florentines (3), Mais aussi sur les privilèges de fabrication reçus
par certains établissements (4) . Autant d’activités qui provoquent des
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transformations dans l’organisation de la production et suscitent par-
fois d’âpres tensions, montrant ainsi les capacités d’action de leurs
membres (5). Enfin, l’accent sera mis sur la Congrégation de San
Giovanni dont l’action originale vise, au XVIII siècle, à distribuer une
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partie du travail à domicile (6). Il s’agit donc de décentrer le point de
vue : non pas étudier une institution en particulier, comme cela a gé-
néralement été fait, mais l’ensemble de celles qui dominent la scène flo-
rentine pour comprendre quels rapports elles entretiennent avec le tra-
vail et, si possible, quel est l’apport de ces institutions à la fois dans les
marchés du travail citadins et dans celui des produits locaux.
Trois regards différents seront combinés. Le premier est celui des gé-
rants de ces institutions : comment considèrent-ils le travail de ceux dont
ils ont la charge ? Quels sont les modèles organisationnels adoptés et
5 B. Pullan, Poveri, mendicanti e vagabondi (sec XIV-XVII), in Storia d’Italia, Annali I,
Einaudi, Torino, 1978, pp. 981-1047, p. 990 donnait les chiffres de 4 % de la population
secourue mi XVII e siècle. Sur les statistiques napoléoniennes à Florence, voir Woolf,
Porca miseria cit., p. 6 et suivantes, cap. 4, pp. 111-137, p. 155-156. Nous ne comptons
pas ici ceux qui peuvent recevoir une aide en nature ou en argent de la part des insti-
tutions, notamment celle de San Giovanni.
6 N. Terpstra, L’infanzia abbandonata cit., p. 36 : ainsi 37,3 % en 1552, et plus de
38 % encore dans les années 1830.
7 D. Lombardi, L’ospedale dei mendicanti cit., p. 179.
8 Ce travail s’appuie sur les résultats de l’ANR Privilèges en cours de publication.
Mediterranea - ricerche storiche - Anno XVII - Aprile 2020
ISSN 1824-3010 (stampa) ISSN 1828-230X (online)